Bouleversements géopolitiques en Afrique du Nord - l’Algérie a raté l’occasion d’asseoir son leadership


Le «printemps arabe» qui a déstabilisé tous les pays du sud de la Méditerranée  (Tunisie, Libye, Maroc, Mauritanie, Syrie, Egypte) a quelque peu épargné l’Algérie, qui s’est ainsi vu propulsée de fait au rang de prétendant naturel au leadership de cette région.

Cette stabilité relative confortée par une formidable aisance financière, l’abondance de ressources énergétiques et une position géostratégique exceptionnelle, constituent autant d’atouts que le gouvernement aurait pu faire valoir pour aider ce pays le plus vaste d’Afrique qu’est l’Algérie, à jouer le rôle de  locomotive dans cette région stratégique du continent africain.
C’est un challenge que les autorités politiques algériennes veulent à l’évidence éviter sans doute parce que l’Algérie rentière et bureaucratique n’est mentalement pas prête à se lancer dans une aventure aussi périlleuse.

A quoi bon chercher à exercer un leadership sur une région aussi problématique quand on dort sur un aussi confortable matelas financier et des ressources naturelles à profusion, semblent penser les autorités politiques en place, frileuses à toute initiative qui pourrait remettre en cause l’ordre établi. Il ne faut  par conséquent pas s’attendre à ce qu’elles prennent, à la faveur de la situation qui prévaut au Nord-Mali, des initiatives fortes à même de faire accéder l’Algérie à une place dominante parmi les pays francophones et arabophones d’Afrique. Cette démarche vers la conquête d’un leadership, l’Algérie semble déjà l’avoir abandonnée en laissant pourrir jusqu’à l’extrême dangerosité la situation qui prévaut au nord de ce pays voisin, où rien de sérieux n’a été tenté tant aux plans politique qu’économique pour rapprocher ce pays du notre.

Echanges interafricains insignifiants !

Alors que les besoins économiques du Mali sont importants, les courants d’affaires avec l’Algérie se résument à quelques échanges insignifiants, l’essentiel étant pris en charge par la contrebande et le marché informel. La même situation prévaut pour pratiquement tous les pays riverains et plus ou moins rapprochés (Niger, Mauritanie, Libye, Maroc, Tunisie, Syrie, Egypte, etc.) avec lesquels l’Algérie, essentiellement tournée vers l’Europe, entretient très peu de courants d’affaires. Un pays aussi bien favorisé par la conjoncture économique (près de 200 milliards de dollars de réserves de change) et des atouts géostratégiques considérables (position géographique, vaste étendue du territoire, bilinguisme, une armée bien équipée, relative stabilité politique, etc.) aurait pourtant gagné à être plus offensif dans cette démarche de rapprochement avec les pays de la région, ne serait-ce que pour s’en attribuer les marchés.

La constitution d’un fonds d’investissement alimenté par les disponibilités en recettes d’hydrocarbures serait également de nature à renforcer la place et le rôle économique de l’Algérie dans cette région en quête de ressources financières pour son développement.
Les grandes entreprises algériennes, à l’instar de Sonatrach, Cevital, Saidal, SNVI et autres, aujourd’hui bridées par une législation qui leur interdit de se développer à l’extérieur du pays, pourraient également prendre part à l’expansion des courants d’affaires avec les riverains africains.

Des pays comme la Tunisie, la Libye, la Mauritanie et dans une moindre mesure le Maroc, sont dans l’attente de ce rapprochement économique qui les soulagerait des gigantesques pertes causées par le «printemps arabe», notamment en termes d’investissements. Ce rapprochement économique pourrait à terme donner suite à un rapprochement de nature politique avec, à la clé, le renforcement du processus démocratique et l’union économique régionale. Rien n’est malheureusement fait pour améliorer cette législation héritée de l’ère socialiste qui condamne l’Algérie à se fermer sur elle-même en la privant d’un marché aussi vaste et facile d’accès que celui que pourraient lui offrir, notamment, les pays du Sahel. Abandonné à la pauvreté, un pays comme le Mali se retrouve aujourd’hui dans une situation conflictuelle telle qu’elle constitue un véritable danger pour la sécurité de la région.

Ce conflit qui aurait pu, de l’avis de tous les experts, être évité si les pays solides de la région, à commencer par l’Algérie, avaient consenti à soutenir l’effort de développement de ce pays sans ressources, mais éminemment stratégique qu’est le Mali. On n’en serait certainement pas dans la situation explosive qui y prévaut aujourd’hui au point de susciter la constitution d’une coalition de pays africains (CEDEAO) parmi lesquels l’Algérie semble tenir le rôle de simple figurant. Constituée avec l’aide des USA et de la France qui en tiennent les commandes, l’Algérie est contrainte à faire pâle figure vis-à-vis des pays membres, plus enclins à suivre les directives des Etats-Unis d’Amérique ou de l’ancien colonisateur, que celle du gouvernement algérien qui ne trouve ni dans sa frileuse action diplomatique ni dans les résultats peu probants de son économie la force de s’imposer ne serait-ce qu’à l’intérieur de cette coalition.

Agir avant de subir

Ne faisant montre d’aucune volonté d’être à l’avant-garde de l’opération qui se prépare, l’Algérie semble se complaire, sans doute en raison de la mauvaise santé du chef de l’Etat, dans une attitude défensive consistant seulement à préserver sa frontière d’une éventuelle incursion de troupes rebelles en provenance du Mali. Une attitude qui, à l’évidence, coûtera très cher au pays sans qu’elle ne lui rapporte en retour grand-chose de positif. L’Algérie devra dans tous les cas mobiliser des dizaines de milliers de soldats pour sécuriser cette longue frontière qui ne dispose, comme on le sait, d’aucun moyen moderne de surveillance.

Empêcher les groupes de terroristes qui connaissent parfaitement la région de s’infiltrer dans notre pays où ils pourraient être relayés par des bandes islamistes en armes est, à l’évidence, un pari impossible à tenir, tant la frontière est longue, vaste et truffée de caches naturelles. Outre son aspect très coûteux, cette option pourrait avoir pour fâcheuse conséquence d’entraîner l’Algérie dans une lutte contre les résidus terroristes maliens (notamment ceux affiliés à El Qaîda) qui risque de durer longtemps, voire même très longtemps, compte tenu de la détermination des combattants salafistes et des aides qu’ils pourraient recevoir de certains Etats et organismes donateurs acquis à leur idéologie.

Ce qui se passe notamment en Kabylie où les groupes armés sévissent depuis plus de dix années, donne la mesure de la difficulté à éradiquer ce type de terrorisme qui pourrait prendre racine de cette vaste contrée saharienne.
La logique aurait pourtant voulu que l’Algérie fasse corps avec la CEDEAO en renforçant ses effectifs et, pourquoi pas, en prenant le commandement des opérations militaires. L’Algérie paraîtrait ainsi moins isolée et, en conséquence, davantage éligible aux aides multiformes des USA et de la France. Sa prétention au leadership régional pourrait alors avoir une signification pour les pays concernés de près ou de loin par ce conflit. L’implication forte et sans équivoque dans cette guerre contre les groupes  intégristes installés au Nord-Mali qui a, faut-il le rappeler, reçu l’aval de la communauté internationale, pourrait donner à l’Algérie cette incontestable légitimité préalable à toute ambition de puissance régionale.

Par Nordine Grim - Source de l'article ElWatan

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